M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille.
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs, avec deux enfants par femme, le taux de natalité en France est le premier en Europe, et il est envié par nombre de pays européens. Nous y consacrons un budget total de 88 milliards d’euros, soit 4,7 % de notre produit intérieur brut. Et le Président de la République s’est engagé à développer l’offre de garde d’enfants, avec l’ouverture, d’ici à 2012, de 200 000 à 400 000 places de garde supplémentaires.
En effet, le taux d’activité des femmes est de l’ordre de 82 %. Si nous voulons donc conforter, voire augmenter notre taux de natalité, il faut développer des modes de garde diversifiés correspondant aux contraintes professionnelles de nos concitoyens.
C’est pourquoi nous avons décidé de vous proposer à travers ce PLFSS trois mesures concrètes et pragmatiques qui répondent à l’attente de nos concitoyens.
Il faut tout d’abord penser à ceux qui travaillent en horaires décalés ou atypiques. Cela concerne 469 000 familles ayant des enfants de moins de six ans. Il faut penser aux familles monoparentales, dont le parent commence tôt le matin, finit tard le soir ou travaille le week-end. Nous avons décidé à leur attention d’augmenter le complément mode de garde de 10 %, ce qui correspond aux surcoûts liés à l'intervention d'une assistante maternelle ou d'une garde à domicile. Cette mesure est estimée à 25 millions d'euros.
Parce que c’est une nécessité, nous avons également choisi d’assouplir la réglementation en matière de taux d’encadrement. Comme l’a suggéré le rapport de Michèle Tabarot, nous vous proposons de permettre aux assistantes maternelles de garder quatre enfants au lieu de trois. Je vous rappelle que, dans les pays du Nord, les assistantes maternelles peuvent accueillir jusqu’à cinq enfants. Ce dispositif permettra la création de 2 000 places dès 2009 avec un coût prévisionnel de 50 millions d’euros.
Nous vous proposons une seconde mesure d’assouplissement de la réglementation, très attendue à la fois par les élus locaux, les parents et les professionnels : il s'agit de permettre aux assistantes maternelles de se regrouper pour travailler ensemble dans un même local.
M. Marc Bernier. Très bien !
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Je suis récemment allée en Mayenne où une expérimentation est menée en ce sens depuis deux ans – il y a douze sites d’expérimentation. J’ai pu constater à quel point ces regroupements d’assistantes maternelles donnaient pleine satisfaction, notamment par l’amplitude des horaires proposés puisque ces regroupements permettent d’ouvrir de quatre heures et demie le matin à vingt et une heures le soir ainsi que le samedi matin. Nous souhaitons développer ces expérimentations partout sur le territoire.
Ces mesures concrètes correspondent au souhait de Xavier Bertrand et au mien de répondre de manière pragmatique et avec bon sens aux préoccupations de nos concitoyens. Elles sont du reste véritablement attendues sur le terrain. Il s’agit donc non pas de mettre en place des dispositifs tarte à la crème, comme certains voudraient le laisser croire, (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) mais de prévoir des dispositifs qui correspondent aux contraintes professionnelles de nos concitoyens.
Les fraudes quant à elles, déjà évoquées par Éric Woerth, s’élèvent à 58 millions d’euros, c'est-à-dire, il est vrai, à seulement 0,1 % du budget. Nous devons toutefois lutter de manière intraitable contre les fraudeurs car ils font injure aux valeurs républicaines. La lutte contre les fraudes sera renforcée grâce à l’instauration du principe de fongibilité des indus entre fonds de la branche famille, c'est-à-dire la possibilité de compenser des prestations indûment versées entre le Fonds de prestations familiales et le Fonds national des aides au logement. Ainsi, pour prendre un exemple concret, en cas de trop-perçu d'allocation logement, une personne pourra se voir retenir des allocations familiales. C'est là un procédé équitable et efficace.
Vous l’aurez compris, Xavier Bertrand et moi-même souhaitons prendre, notamment en matière de garde d’enfants, des mesures qui, d’une part, correspondent aux contraintes familiales pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle et, d’autre part, respectent l’égalité républicaine.
PLFSS : projet de loi de financement de la sécurité sociale
M. Bernard Perrut. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre politique familiale, avec un budget de 85 milliards d’euros, soit près de 5 % du PIB, place la France au troisième rang des pays de l’OCDE.
Je ne reprendrai pas les chiffres qui ont été cités. Qu’il me soit cependant permis de rappeler les 41 milliards d’euros de prestations familiales, auxquels il faudrait d’ailleurs ajouter les 7 milliards que les collectivités locales consacrent à l’accueil des enfants au bénéfice de l’action sociale.
Cette politique généreuse permet à la France d’atteindre un taux de fécondité record, de deux enfants par femme, qui donne confiance en l’avenir. La France n’est pas la seule à devoir relever le défi démographique, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, puisque vous avez vous-même évoqué ce sujet, très récemment, avec vos collègues de l’Union européenne.
Ce PLFSS traduit la nouvelle impulsion donnée à la politique familiale. Nous savons qu’une famille a plus de chance de se développer et, disons-le, d’être heureuse, si elle est en mesure de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale.
L’exigence de l’accueil des enfants doit donc être envisagée d’un point de vue qualitatif autant que quantitatif. Ce qui est aussi en jeu, c’est l’égalité des chances et la lutte contre l’exclusion. Car les inégalités s’établissent dès la petite enfance. Des analyses ont même montré que des écarts de capacité cognitive étaient fonction des revenus de la famille et du niveau d’éducation de la mère.
Tous les besoins des familles en matière de garde ne sont pas couverts. On estime que 350 000 places sont nécessaires pour satisfaire les besoins de garde d’enfants de moins de trois ans.
Sur le terrain, l’offre est diversifiée, mais montre des insuffisances, même si les collectivités locales s’investissent beaucoup, comme opérateurs ou comme financeurs, en lien avec les caisses d’allocations familiales : contrat unique enfance jeunesse, prestation de service unique, aide à l’investissement, plan crèche. Nous travaillons beaucoup avec les CAF.
Les établissements sont en général appréciés pour la qualité de l’accueil qu’ils offrent. Leurs capacités ont évolué. Mais ils sont souvent mal répartis, les établissements communaux ne permettent pas l’accueil des familles extérieures à la commune, et les listes d’attente sont longues.
Les assistantes maternelles – premier mode de garde des enfants de moins de six ans – bénéficient d’une professionnalisation, de meilleures rémunérations, d’une véritable formation. La création de l’AFEAMA, puis celle de la PAJE, en 2004, ont incité les familles à recourir à ces personnels formés.
Face à cette situation, les mesures prévues sont bonnes, mesdames et messieurs les ministres. Vous avez annoncé une progression, dès 2009, de 6 % du Fonds national d’action sociale, ce qui représente environ 22 000 places supplémentaires. Ce socle sera complété dans le cadre de la COG 2009-2012, cette convention d’objectifs et de gestion étant négociée entre l’État et la CNAF.
Il convient, et c’est ce que vous faites dans le PLFSS, d’adapter les dispositifs de garde aux attentes des familles. Ainsi, les parents qui ont des horaires de travail atypiques pourront, grâce au complément de libre choix du mode de garde, faire face aux surcoûts liés à l’intervention d’une assistante maternelle ou d’une garde à domicile. Notre société évolue, le travail évolue, les formes de la famille évoluent elles aussi, et il faut en tenir compte.
Vous souhaitez également assouplir la réglementation concernant les assistantes maternelles, qui pourront désormais accueillir quatre enfants au lieu de trois. Cela va permettre de créer 10 000 places nouvelles. C’est une très bonne mesure, madame la ministre, et il faut la mettre en œuvre le plus rapidement possible.
Enfin, vous voulez permettre aux assistantes maternelles de se regrouper, de travailler ensemble. Cela leur permettra une nouvelle amplitude d’horaires. Elles pourront ainsi mieux répondre aux attentes des familles.
Mais je voudrais, madame la secrétaire d’État, que nous allions plus loin. Il faut mieux accompagner les familles dans leur recherche d’un mode de garde. Car souvent, il s’agit d’un véritable parcours du combattant. Il convient de favoriser la création de guichets uniques dans les communes, et inciter à une meilleure coordination et à un rapprochement des offres et des demandes.
Il faut aussi que vous incitiez les communes à généraliser les schémas pluriannuels de développement des services d’accueil des enfants de moins de six ans. Actuellement, ils ne sont pas obligatoires ; ils devraient peut-être le devenir.
Il faut également encourager les chefs d’entreprise, qui pourtant disposent d’un certain nombre d’incitations fiscales, à s’engager dans la garde des enfants et à mettre en place – pourquoi pas au sein de l’entreprise ? – une charte de la parentalité.
Il faut encore favoriser l’installation de micro-crèches, quel que soit leur statut, associatif ou privé. Il faut développer les RAM, les relais d’assistantes maternelles, qui permettent à celles-ci, un ou plusieurs jours par semaine, de se retrouver, d’échanger, de travailler ensemble.
Et pourquoi ne pas favoriser la garde d’enfants par des seniors, dès lors qu’ils respecteraient certaines règles et répondraient à certaines exigences en termes de compétences ? Cela contribuerait à développer les solidarités intergénérationnelles.
Faut-il encore améliorer le congé parental ? Vous allez le faire et entreprendre rapidement la réforme de l’adoption. Nous souhaitons tous, sur ces bancs, connaître aussi le rôle et les objectifs du Haut conseil de la famille ainsi que les orientations retenues par la prochaine COG.
En conclusion, nous avons un grand défi à relever si nous voulons mettre en œuvre cet engagement du Président de la République selon lequel tout enfant devra trouver une place d’accueil. Notre politique de la famille ne doit pas se confondre avec la politique sociale. Xavier Bertrand l’a rappelé il y a quelques jours devant une grande association familiale.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Tout à fait !